Paris, le 28 juin 2022 – Lors d’une récente séance, l’Académie des technologies a fait un point sur la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières critiques. A la suite du rapport remis par Philippe Varin aux ministres Agnès Pannier-Runnacher et Bruno Lemaire le 10 janvier 2022, la guerre en Ukraine a provoqué une aggravation de la crise d’approvisionnement et un affolement des cours.
L’Académie des Technologies recommande une accélération des actions proposées par Philippe Varin, et souligne la nécessité d’accélérer également la recherche de solutions de substitution aux métaux les plus critiques.
La 8eme édition qui s’est tenue à Nancy du World Material Forum (16-18 juin) a mobilisé de nombreux représentants de grands groupes et de start ups, et a permis aux académiciens qui étaient présents de partager avec eux les perspectives d’action à court et plus long terme.
Quelques chiffres clés :
- D’ici 2040, la mobilité électrique et la production d’électricité entraîneront une multiplication des besoins de lithium par 42 et des besoins de cobalt, graphite et nickel par 20.
- A l’exception de certains métaux de base, les taux actuels de recyclage sont presque tous inférieurs de 10%.
- À l’heure actuelle, l’Europe dépend largement des importations étrangères. La Russie produit 42% du palladium, 33% de diamant et 20% de titane.
- Selon l’Agence Internationale de l’énergie (AIE), il s’écoule 17 ans en moyenne entre le démarrage d’une exploration et l’ouverture d’une mine.
- La filière de recyclage qui serait bientôt complète sur le site de Lacq pourrait couvrir 20% des besoins européens en aimants.
En bref
La croissance démographique, mais aussi les transitions énergétique et numérique entraînent l’explosion des besoins en matières premières ainsi que leur forte diversification, avec un recours croissant à des matériaux rares. Les chaînes d’approvisionnement sont souvent complexes et parfois dominées par quelques pays seulement, d’où le risque de voir une dépendance aux ressources minérales se substituer à la dépendance aux énergies fossiles.
Le recyclage, même fortement développé, ne couvrira qu’une partie des besoins et, même si des innovations technologiques permettent de remplacer certains matériaux par d’autres plus répandus, il faudra inévitablement ouvrir de nouvelles mines, y compris en Europe et en France.
Compte tenu de la mauvaise image de l’activité minière héritée du passé mais également liée aux dommages environnementaux et sociaux provoqués par de nombreuses mines à travers le monde, un préalable indispensable consistera à élaborer un modèle de mine responsable, équitable et participative, se traduisant par une norme certifiable par des tiers, qui constituera aussi un élément de différenciation majeur à l’international.
L’industrie minière devrait également adopter une approche plus globale consistant à fournir des matériaux tirés à la fois du recyclage et de l’extraction, afin de représenter une solution aux problèmes environnementaux plutôt qu’une source d’aggravation perpétuelle de ces derniers.
Séance thématique organisée par Pierre TOULHOAT et Jean-Pierre CHEVALIER :
Pierre Toulhoat est ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure. Après une thèse en géochimie, il a rejoint en 1981 le CEA pour y travailler sur l’hydrogéochimie de l’uranium et des lanthanides, puis rapidement sur les problématiques scientifiques liées au confinement des déchets radioactifs en formation géologique. Depuis son élection fin 2010 à l’Académie des technologies, il a participé à divers dossiers et rapports, en particulier sur les nanoparticules et leurs impacts, sur l’écotoxicologie, et récemment sur les ressources du sous-sol pour la transition énergétique ou encore la séance de controverse sur CIGEO. Il préside depuis 2019 le pôle Environnement et impact du changement climatique.
Jean-Pierre Chevalier est professeur émérite au Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam) depuis 2019. Physicien de formation (licence et doctorat de Cambridge), il a intégré le CNRS en 1977 et s’est spécialisé dans la physique des alliages et notamment les études en microscopie électronique. Au fil de son activité, il s’est plus focalisé sur les matériaux, notamment les métaux, en lien avec les industries et les aspects de développement durable en relation avec l’usage de matériaux. Par son passage au Cnam, il est particulièrement intéressé par les compétences indispensables pour faire face aux évolutions industrielles et plus largement de la société.
Avec :
- Christophe Poinssot, Directeur Général délégué et Directeur scientifique du BRGM
- Patrice Christmann, Chercheur indépendant. Ancien Directeur scientifique adjoint du BRGM (2010-2016) et ancien membre du Groupe International pour l’Etude des Ressources des Nations-Unies (2011-2020)
- Corinne Gendron, Académicienne et UQAM
- Bruno Jacquemin, Délégué général d’A3M, délégué permanent du Comité stratégique de filière Mines et métallurgie
- Philippe Varin, Ancien Président de France Industrie, auteur d’un rapport sur la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières minérales
A propos de l’Académie des technologies
L’Académie des technologies est un établissement public placé sous la tutelle du ministre chargé de la recherche. Sa mission est de conduire des réflexions, formuler des propositions et émettre des avis sur les questions relatives aux technologies et à leur interaction avec la société. Depuis janvier 2022, l’Académie des technologies est présidée par Denis Ranque, ancien PDG de Thales et président d’Airbus.
Plus d’informations sur : https://www.academie-technologies.fr/